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L'INFORTUNÉ AMANT CONTRAINT À L'ERMITAGE


1

Pleurez mon infortune
Berger de ce hameau
Hélas tout m'importune.
J'endure mille maux.
Une ingrate volage,
A la fleur de mes jours,
Dans un sombre ermitage
M'a réduit pour toujours.

2

Tous les jours mon passage
Arrosé de mes pleurs
Me présentait l'image
De tes appas flatteurs.
Le ravissant ramage
Des innocents oiseaux
Branchés sous l'ombrage
Augmentait mes sanglots.

3

Où sont donc inhumaine
Tous les tendres accents
Répétés dans la plaine
Ainsi que les serments ?
Les ruisseaux, les fontaines,
Les bois en sont témoins.
Du moins calmez ma peine
Récompensez mes soins.

4

Tu sais que la constance
Ne m'a jamais manqué.
Même l'obéissance !
J'ai toujours pratiqué
Toujours même tendresse,
Même ardeur, même amour,
Afin mon cœur, sans cesse
Te payer de retour.

5

Puisque mon tendre zèle
Ne peut gagner tes feux,
S'en est fait infidèle
Ainsi que les serments
Avec ces beaux ermites,
Je finirai mes jours
Au milieu des poursuites
De mes tendres amours.

La lamentation de cet infortuné sur une ingrate volage n'a d'égale que la même d'une malheureuse que son amant inconstant a abandonnée. Car la chanson relevée par le recueil Berssous a son pendant dans deux semblables (où le sexe du plaignant est inversé) que Cl. Servettaz(1) recueillit en début de ce siècle à Habère-Lullin et à Scionzier, pas très loin de la Chapelle-d'Abondance. Les partitions comme les textes diffèrent, malgré le même esprit de la doléance. La Chanson de Clitandre a été, nous dit Servettaz, chantée par sa mère et par Collombat, le poète aveugle des Mûres, qui avait adapté l'air pour sa fameuse complainte relatant la condamnation à mort de l'assassin de Mgr. Sibour, archevêque de Paris (1857).

(1) Cl. Servettaz, Chants et chansons de la Savoie, Leroux et Abry éd., Paris-Annecy, 1910, chansons 4 et 43, p. 23 et 63.

Plaignez mon infortune, permière version :

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Plaignez mon infortune,
Bergères du hameau ;
J'ai perdu ma fortune
A l'ombre sous l'ormeau.

J'ai tout fait pour lui plaire,
Je le croyais constant ;
Mais une autre bergère
M'a ravi mon amant.

Pour lui j'étais si bonne,
Assise sur le gazon ;
Mais l'ingrat m'abandonne
Sans aucune raison.

Oh ! comme il était tendre
sur ces coteaux charmants !
Il ne vient plus m'attendre
Cet infidèle amant.

La vie est une rose,
La rose piquera ;
Mais si l'amour l'emporte,
L'épine tombera.

La chanson de Clitandre, deuxième version de Plaignez mon infortune :

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Même texte que pour la première version, mais observons qu'ici on réunit deux strophes en une seule ; on y ajoute le couplet suivant :

J'entrai dans un bocage ;
Mon amant m'y suivit :
" Pourquoi es-tu volage,
Après c' que tu promis ?
Reviens, mon cher Clitandre,
Reviens auprès de moi ;
Mon coeur est toujours tendre,
Il ne bat que pour toi."

(suivante)