Conclusion
 

Le recoupement et les corrélations entre types de géoglyphes, leur superposition, leur association à des styles céramiques connus témoignent d'une unité et d'une séculaire évolution: à quelques trois douzaines de sujets réalistes et naturalistes d'une certaine finesse, que l'on retrouve aussi dans la poterie sans doute contemporaine EIP, se superposent souvent et succèdent, mais décuplées en nombre, les grandes figures géométriques et les longues lignes, parfois encore articulées aux premières mégafresques, mais associées, elles, plutôt à une céramique de type MH, LIP et LH. Ces phases postérieures qui perdurent mille ans, de +500 à 1500 environ, illustrent différents stades de l'histoire locale précolombienne (fin de la période Nasca, empire Wari, période Ica, puis culture Inca). Cette évolution paraît homogène ; durant la période du classicisme andin le style des géoglyphes à sujets naturalistes atteint son apogée et sa technique restera celle du mode d'engendrement ultérieur. Ce style montre le même brio que celui de la céramique et des tissus, avec une parallèle et appropriée expression des sujets et l'engouement dans les procédés d'agrandissement. Il appartient aux archéologues d'affiner les corrélations de ce style et de son adéquation à une société plus ou moins démocratique et pacifique durant ledit laps.

La fin de cette période classique ne conduit pas à la division, au démembrement. Il apparaît au contraire un prototype d'unification panandine avec l'empire Wari qui préfigure et précède l'Inca. Selon Lumbreras il s'ensuit parallèlement l'instauration de régimes despotiques et centralisés, d'une religion œcuménique tournée vers le prosélytisme. La technologie, la science et les arts subissent des modifications profondes, car à la suite de Wari, l'ensemble des sociétés andines devient, à la fois, urbain et militariste.

Ces considérations générales s'appliquent à ce qu'il advient de la province Nasca et de ses géoglyphes : ils tendent vers la simplification et le gigantisme, nécessitant des efforts redoublés pour s'enfoncer plus avant dans la pampa déserte et pour cureter des aires considérablement étendues. Les lignes inter-centres, longues de plusieurs kilomètres, tissent un réseau étendu de sentes et de secteurs, annonçant les ceques et les ayus découpés au couteau dans et autour de Cuzco, capitale sommitale de l'empire Inca. Et ces distances à parcourir, entre centres de rayonnement et dessins éloignés, peuvent avoir déjà entraîné pour l'application des consignes, le développement d'un corps de chasqui préincaïques, c'est-à-dire de coureurs servant de messagers pour la transmission rapide des ordres et directives aux opérateurs des tracés.

Tout cela nécessite une société policée et militarisée. Entre les géoglyphes naturalistes du début et les pavés géométriques et gigantesques ultérieurs, il y a peut-être une évolution sociale de la même nature que celle qui différencia l'art de la Grèce de celui de Rome : organisation et qualification libérale du côté hellène, mais utilisation, par la contrainte, de prisonniers ou esclaves dans l'œuvre architecturale et colossale à la romaine, où l'effort collectif supplée à la finesse, sensibilité et qualification individuelles.

Chercher à expliquer l'évolution stylistique par des hypothèses plus ou moins justes ou mauvaises ne nous semble pas de toutes façons, mettre en cause les données plus sûres qui apparentent les géoglyphes les uns aux autres au niveau dimensionnel et perspectif, et qui en expliquent la mise ne œuvre par projection, quand bien même sa nature serait autre que celle proposée ici.

Vue par satellite de la région de Nazca

 

 

 

 

Un porte fil ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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