Aux passionnés - scientifiques ou amateurs - des dessins de Nasca
 

"La énième des hypothèses sur les géoglyphes de Nasca…" constatera le lecteur intrigué, quoique déjà blasé par tant de recueils ayant récapitulé l'éventail des solutions (dont certaines poussées jusqu'à l'absurde), donc sans se convaincre d'aucune ! Pourtant, à cette communauté d'amateurs, ou de chercheurs passionnés, inventifs, sinon persuasifs, à laquelle il nous ajoutera peut-être, nous rendons d'abord hommage parce que telle ou telle remarque individuelle de l'un ou de l'autre, passée inaperçue dans un lot d'invraisemblances, est restée ensuite inexploitée, considérée comme mineure, alors qu'elle nous a semblé utile, importante pour aussi bâtir notre propre opinion. Y compris à partir du rejet ou de la critique de quelque thèse concurrente, laquelle figure nécessairement dans un débat contradictoire pour que du choc des arguments jaillisse une étincelle fructueuse, parce que le défaut d'une argumentation permet de la corriger ou d'évoluer par élimination d'hypothèses.

L'intérêt que chacun peut trouver aux géoglyphes de Nasca, et à leur protection, s'appuie nécessairement sur la connaissance qu'il en a, à partir des relevés et publications de Maria Reiche, même par pillards ou médias interposés. "La dame de la pampa", à travers le frimas de la garua, ou sous un soleil ardent sur le désert aride, caillouteux, réverbérant, en y usant ses forces et ses yeux à le parcourir et décrypter, mais sans découragement, pour décrire et déchiffrer le mystère de Nasca, a toujours soutenu qu'il serait un jour percé.

Un architecte formé au tracé conique des ombres et de la perspective, allié à un laborantin d'optique expert en manipulations pratiques, se seraient-ils approchés de la solution prévue ?G. Charrière, Filigranes sur la Pampa, CLAL-INFO, n°79, avril 1991. Si tel était le cas ils auraient quand même le sentiment d'une injustice criante, celle où le rat de bibliothèque, depuis un lointain et confortable habitat parisien, tire les marrons du feu, en bénéficiant de l'abondant travail de fourmi sur le terrain, et de la documentation qu'une chercheuse persévérante s'est éreintée à faire sur un sol ingrat. Et sans même que ces deux-là soutiennent sa tentative d'explication, celle de géoglyphes construits géométriquement et à orientations astronomiques -comme si, pour eux, le recul par rapport à la planche à dessin (la pampa !), c'est-à-dire le fait de ne pas avoir son nez trop près du trait et d'une parcelle d'un dessin, lui donnait même avantage par une vision plus synthétique et suggestive des grands principes de la conception. Illustratrice et combien émouvante photo que celle de Maria Reiche accroupie devant la structure d'un instrument de visée pour préciser son relevé, mais sans voir et imaginer que cette finesse et rectitude de quelque élément, tendu devant son œil scrutateur, se projetait aussi en agrandi, sur le sol observé plus loin, en s'y inscrivant lui-même comme le fil d'un géoglyphe linéaire ! Cette Maria Reiche qui, avec ses relevés, notes, observations, nous donne l'occasion de ne pas la suivre toujours dans ses déductions ou hypothèses, alors qu'elle demeure l'incontournable référence, jusque dans la moindre controverse !

Juste retour des choses : gageons que des successeurs ou des émules dans la recherche trouverons à corriger, redire et mieux dire sur le sujet pour amender ou améliorer notre proposition. Qui sait pour la rejeter, arguments étoffés à l'appui !

Il y aura donc la même humilité sous-jacente lorsque nous discuterons les hypothèses d'Aveni ou de Clarkson, sans en retenir toutes les conclusions, mais sans oublier que les données qu'ils ont patiemment, scientifiquement et objectivement transcrites nous ont aidé à forger notre propre opinion.

Enfin nous ne saurions omettre ce que les rapprochements ethnographiques ou de comparatisme de S. Waisbard nous ont apporté. Et même si nous ne partageons par la thèse de Stierlin sur l'articulation pratique entre les géoglyphes et le tissage, sa recherche orientée sur des recoupements oraux et vernaculaires pour l'étayer nous a aussi été profitable.

Comme l'a été le soutien de ceux qui nous ont encouragé et aidé à des titres divers.

fig.01 Maria Reiche
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