I La méthode et les données de l'hypothèse (suite)
 

L'éblouissement

Dans l'hémisphère nord l'idéal de l'implantation de l'atelier de son artiste est, pour que ce dernier ne soit pas ébloui par le soleil et que le sujet ou modèle du tableau ne se présente pas à contre-jour, que le peintre ou graphiste ait l'astre éclairant derrière lui, mais son sujet en face, inondé de lumière dardée du plein sud pour accentuer les reliefs, donc pour le rendre bien perceptible. Dans l'hémisphère sud, c'est l'inverse qui se produit et il devrait en résulter une tendance à ce que les centres de visée présumés des Nascas soient au nord par rapport aux géoglyphes exécutés à leur sud. Mais la topographie locale peut aussi empêcher cette articulation idéale parce que le tableau de projection a aussi intérêt à être pentu pour rester bien visible du regard de l'opérateur lointain. Fait peut-être caractéristique les petites têtes auréolées, vers le site 50, non engendrées par fil, sont naturellement visibles du haut du terrain où elle se situent, à un kilomètre environ de Palpa.

A voir rayonner les géoglyphes géométriques tout autour de certains centres linéaires le premier sentiment est que l'éclairage diurne a pu venir de maintes directions sans en gêner trop le travail et la visibilité. Il est vrai que la différence de teinte entre sol sombre et extérieur au géoglyphe et la claire à l'intérieur, suite au curetage de cailloux, compte autant que l'ombre résultant des murettes périphériques, par eux constituées et mieux délimitant la forme. D'autre part si, comme Aveni l'a bien souligné, les centres linéaires sont souvent associés l'un à l'autre par des lignes, chacune d'elles a donc des extrémités sur un centre opposé azimutalement à l'autre et permettant une opération dans un contexte d'éclairage très différent de celui qui lui fait face.

Nous verrons plus loin qu'un masque occultant l'éblouissement répondait aussi à cette problématique dans le matériel archéologique récolté.

Résumons. En pratique courante une bonne acuité de l'individu jeune, normalement constitué, est meilleure dans des conditions appropriées, c'est-à-dire de non éblouissement, avec un éclairage contrôlé, diffus, où elle peut atteindre alors 20/10, soit la résolution à 30"Ibid., p. 45.. L'acuité pour des motifs noirs sur fond blanc n'est pas non plus égale à celle mesurée à l'aide de dessins clairs ou blancs sur fond noir ou sombre : le contraste ne joue pas de la même façon dans les deux sens et ce qui complique encore cette fonction est sa dépendance vis à vis de l'éclairement.

La conclusion à tirer de ces multiples considérations, compte tenu du contexte local de Nasca, avec les lignes claires des dessins tracées par leur sable jaune, contrastant avec la croûte très sombre de la pampa, nous semble être que la résolution à 30" peut ainsi être prise en compte car en deçà des possibilités extrêmes, mais en toute connaissance de cause, impliquant déjà une très forte acuité, quoique non maxima.

Les chiffres optima des meilleures conditions de visibilité situent donc les limites où peut s'inscrire la démonstration sans la forcer, sans la pousser à l'excès. Les publicistes dans leur pratique, estiment qu'un motif, dans des conditions courantes, est bien vu à 500 fois sa dimension.

Mais ce qui implique aussi des corrections dimensionnelles et de distance quand le tableau ou panneau n'est pas perpendiculaire à l'axe du cône de révolution pouvant le saisir à l'interprétation.

A l'aide d'un exemple affinons la réflexion, par exemple à partir du géoglyphe de l'araignée qui mesure dans les 45 m.

Un peu plus au nord du Pérou, à Vicus, la découverte d'un bel ornement de nez, en or et demi-circulaire, d'environ 14 cm de diamètre prouve, par la belle composition du motif multipliant fils et araignées d'or, que ledit insecte pouvait être réalisé avec une dimension globale aussi réduite que celle que nous allons proposer pour la seule démonstration, d'ailleurs simplifiée en considérant d'abord le plan de projection perpendiculaire à celui du cône de visée.

Par un pinceau de seulement ½° un motif de 4.6 cm peut être agrandi à 5020 m selon un dessin 1000 fois plus grand, soit 46 mètres. Son fil éventuel, dont la section est par exemple le 1/100ème, mesure donc à peine un demi millimètre (4.6/100èmes) et est agrandi en conséquence à 46 cm sur le tableau de projection.

Si ces dimensions d'éloignement, quoique énormes et peu vraisemblables, peuvent à peu près produire les cotes du géoglyphe, l'acuité normale implique que, pour être vu, le trait devrait mesurer dans les 1.50 m. On en est loin. Pour pouvoir engendrer et voir le dessin de l'araignée à la dimension qu'il a, il faut le faire à moins de 1500 m d'un tableau vertical. Et cela oblige à reconsidérer les autres paramètres pour arriver à un résultat approchant : taille du fil et position, ouverture de l'angle du cône et prise en compte de l'inclinaison du plan de projection, etc. La méconnaissance du centre de visée, pour l'heure, ne permet pas une épure approchée et encore moins de juger de l'épaisseur du fil ou de sa distance à l'œil de l'opérateur, ni de la finesse d'acuité de cet œil.

Mais cette impuissance ne dépend que du progrès à venir dans la recherche d'un tel centre et ne met pas en cause les prémices de la projection agrandissante. Il y a nécessairement des conditions optima à l'implantation des centres de visée qui doivent guider notre enquête sur leur situation et répartition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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