I La méthode et les données de l'hypothèse (suite)
 

Un masque à jumelles d'acuité

Pour pouvoir tracer, sur un sol meuble, en perspective agrandissante, le linéament d'un bijou filigranique, dont seule la structure et dentelle arachnéennes permettent la projection de tous les éléments morphologiques, il faut que l'œil et l'objet de la reproduction se situent l'un par rapport à l'autre en une position et relation singulières et exclusives. Il faut que le motif à circonscrire par un œil unique lui soit tout proche, et non appréhendé comme en général par les deux yeux, lesquels engendrent la sensation de relief, parce qu'ils attaquent d'un double regard le sujet du dessin, donc sous deux angles différents, créant cette plage d'interférence, si précieuse à l'interprétation par le cortex cérébral, mais frange trouble et qui devient gênante quand elle s'agrandit ou diverge déjà trop fortement au départ. Le processus à utiliser pour bien délinéer un motif filigranique en perspective agrandissante est de contraindre l'opérateur à n'utiliser qu'un seul œil dans son travail. L'organe de cette vision de borgne peut être astreint à travailler derrière un œilleton en fermant l'autre œil : la posture est tout à la fois possible, archaïque, élémentaire, mais longue et fatiguante à tenir ! On a vite besoin d'en changer.

Le masque "à jumelles d'acuité"Brooklyn Museum of Art. 64.95. Dimensions : 28.4X25.9X19.5cm. Excellente photo dans l'album du Musée Rietberg et servant de base à notre croquis. du musée d'art de Brooklyn, objet cérémoniel (sacralisé ou non), montre et suggère la possibilité d'une manière élégante de résoudre cette incommodité. Car le recul obligé du cristallin de chaque œil à l'arrière du tympan à oculus, au plus profond de chaque tube des jumelles dudit masque, s'ajoutant à un long nez-écran, empêche, de toutes façons, la vision binoculaire à courte distance d'un quelconque objet rapproché. Mais cela permet par contre de délinéer le tracé serpentin d'un bijou filigranique sous un seul angle, sans cumuler l'image approchée et un peu différente que l'autre œil ajouterait en troublant la bonne conduite de l'opération, la netteté du profil à suivre et la propreté du dessin effectué au sol. Ce dispositif sélectif d'un seul des deux yeux n'empêche pas qu'ils puissent converger tous deux ensemble sur le subjectile lointain, vierge de tout dessin. Quasi comme sur un vaste écran de verre transparent l'opérateur peut ainsi conduire à distance (du geste ou / et de la parole un tracé qui suit étroitement le motif à reproduire, visualisé essentiellement par exemple avec l'œil droit selon notre graphique, tandis que l'œil gauche scrute comme si le bijou était, même avec déjà la silhouette du filigrane très réduite, entièrement transparent sur la surface terrestre à graphiquer au loin. D'où une incroyable facilité de traçage.

L'utilisation du masque offre un second avantage : il isole les yeux de l'opérateur de tout éclairage ambiant plus ou moins cru, perturbant. En réduisant le champ de vision à sa partie utilisée l'appareil permet donc protection, stabilisation, concentration et confort de la vision dont il améliore l'acuité. Sans avoir un diamètre trop infime, avec l'exagération de finesse dans la vision qui en résulterait par de quasi trous sténopéiques au fond des jumelles du masque, les modestes orifices des tubes approchent cependant du procédé, connu d'autres aborigènes. Les esquimaux par exemple percent de fins trous dans des os de rennes pour, à travers, augmenter leur acuité visuelle. Et les autochtones himalayens usent de masques en loup pour protéger leurs yeux de la réverbération de la neige.

Troisième avantage enfin, le masque libère les bras de l'opérateur, les rend utilisables dans toute technique gestuelle de communication codée pour commander à distance le progrès du travail de tracé. Ce dernier est d'autant plus facile que chaque œil a pris en compte séparément, l'un le suivi du filigrane du bijou, l'autre la vision en transparence de tout le terrain de projection. Sans cafouillage peut se conduire le travail consistant à dégager où il faut la surface de la pampa de ses cailloux oxydés pour tracer le sillon de sable clair, ainsi mis à nu. De distance en distance, aux bifurcations du trait, ou de part et d'autre de petits monticules de pierres sèches, situés l'un à gauche, l'autre à droite de la ligne anguleuse tracée au sol, suggèrent parfois que plantés de perches, de bâtons, ou simplement par eux-mêmes, ils ont pu servir de repères, avec ou sans cordes les reliant.

 

 

 

 

 

 

 

 

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