Les
lignes, sujet en soi
Le sujet a été étudié exhaustivement par Aveni .
La ligne est un type de géoglyphe qui peut être autonome,
rattaché en appendice, ou issu d'autres dessins géométriques tels que
trapèzes, triangles ou rectangles (10% des cas), voire se muer en zigzags
aux repliements multiples, parfois tassés à en devenir parallèles entre
eux.
Topographiquement la ligne, qui rayonne d'un centre surélevé,
peut s'arrêter au lit sec d'un cours d'eau saisonnier (3%) des cas, à
une rivière principale, à une cime (4%), mais aussi conduire à un autre
centre linéaire, quoique dans 78% du lot elle ne connecte pas entre eux
ces points de focalisation.
La largeur des lignes varie, et parfois pour le même
exemple. Leur écrasante majorité a moins d'un demi mètre d'épaisseur,
la plus courante dimension, statistiquement, semblant un peu supérieure
au tiers de mètre (0.39m +/- 0.07), encore que les archéologues n'ont
pas toujours noté les variations de largeur d'un même géoglyphe linéaire,
faute d'en suspecter les enseignements. Aveni établit ce constat sur celui
qui connecte le centre n°45 au n°37 : la ligne est large de 1.9m à une
distance de 0.8km du n°45, puis se réduit jusqu'à 1.5m au 1.3km, mais
passe à 1.7 m au 2.0km, avant de se rétrécir davantage, jusqu'à 1.2m au
2.3km et finalement à 1.0m au 4.2km, soit approximativement à 1km du centre
n°37. Comment avec de telles variations établir autre chose qu'une moyenne
indicative et arbitraire ! En l'occurrence on constate que globalement
ladite ligne, ainsi que tant d'autres, s'effile et amincit en direction
du centre n°37 comme si ses deux lisières en irradiaient. Cependant le
géoglyphe, à partir du centre n°45, subit un rétrécissement quand le terrain
descend vers un quebrada, puis s'élargit à la remontée sur le coteau
opposé et y file ensuite plus longuement ; sur la section où les largeurs
notées fluctuent sensiblement, l'épaisseur du trait pourrait donc subir
la morphologie du terrain, à l'inverse d'autres cas où les lignes semblent,
par leur rigoureuse rectitude, comme tranchées au couteau, telle l'intersection
de deux plans, à savoir celui du sol et celui d'un plan vertical contenant
la direction de visée.
De plus, nombre de figures géométriques de grande surface
sont dotées d'un appendice consistant en une longue ligne étroite qui
semble s'élancer ou provenir de leur apex. Elle court ensuite sur un kilomètre
ou plus, avant de mourir en général à la base d'un centre linéaire, ou
sur une autre figure géométrique, mais sans relation apparente. Et si
cette ligne appendice, faisant corps avec le géoglyphe principal, garde
une constante épaisseur pour quelques cas, dans bien d'autres elle s'effile
et se rétrécit graduellement, comme le trapèze ou le triangle dont elle
provient. Elle a son maximum de largeur à la petite base ou à l'apex de
la grande surface géométrique quittée ; elle forme donc par elle-même
un très fin triangle (puisque d'élongation considérable) dont la base
se confond, et sans démarquage, avec celle rétrécie de ladite aire. Cette
forme linéaire effilée, qui se répète, ne saurait être due au hasard et
doit être l'objet de toute réflexion sur ce type de géoglyphe, sa nature,
son mode de génération, puisque, si souvent, pour des aires et leur appendice,
l'implantation axiale du motif est rayonnante vers un centre. Comme l'est
aussi parfois la lisière du trait qui les délimite au sol, ou nombre d'autres
lignes isolées et affectées de cette morphologie de figures plus ou moins
effilées, voire disposées en ailes de moulins trapézoïdales autour dudit
centre.
Si l'on rassemble toutes les lignes dans une seule catégorie
fourre-tout on en vient au jugement d'Aveni
selon lequel "il n'y a rien pour distinguer les caractéristiques d'une
ligne qui connecte les centres de lignes avec une qui ne le fait pas,
pas plus qu'un alignement ou une dimension évidente pour les lignes entre
centres connectés et centres non connectés".
Cependant, il paraît difficile, sauf sur le plan de la
similitude de traçage au sol, d'assimiler les lignes zigzaguantes engendrant
éventuellement un dessin figuratif, ou reliées à un grillage, voire variant
considérablement d'épaisseur, aux lignes joignant deux centres éloignés
et où leur relation est, là, clairement, au moins, l'un des objectifs.
D'autant que ces liaisons inter-centres, en général peu malmenées par
le relief au niveau de leur largeur, alignent, gardent, parallèlement
à leur extrême longueur, une rigidité, fixité, indépendance et régularité
qui les distinguent des autres. Parfois utilisées comme sentiers reliant
deux centres étoilés (car d'autres espèces de lignes et géoglyphes
géométriques en rayonnent) elles évoquent les rectilignes ceques
de l'empire inca, si elles ne les annoncent ou en sont le prototype. La
filiation éventuellement chronologique qui relie les géoglyphes figuratifs,
les plus sous-jacents, associés à la céramique EIP, aux plus superficiels,
géométriques et linéaires, dont les sites sont parsemés d'ultérieurs tessons
MH, LIP (surtout) et LH ,
suggèrent peut-être une évolution de la thématique mise au service d'objectifs
culturels, administratifs, ou cultuels, différents des initiaux.
En résumé, on constate que les lignes, par leur morphologie,
peuvent correspondre, malgré et avec leur rectitude commune, pour telle
à un procédé par projection de fil comme celui des géoglyphes naturalistes,
ou surtout des géométriques associés, et pour telles autres à de simples
cheminements rectilignes, uniformes dont on peut envisager qu'une technique
voisine, mais différente, a peut-être permis de les engendrer à moindre
difficulté.
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