III Les géoglyphes : types, répartition, articulation
 

Les lignes, sujet en soi

Le sujet a été étudié exhaustivement par Aveni.

La ligne est un type de géoglyphe qui peut être autonome, rattaché en appendice, ou issu d'autres dessins géométriques tels que trapèzes, triangles ou rectangles (10% des cas), voire se muer en zigzags aux repliements multiples, parfois tassés à en devenir parallèles entre eux.

Topographiquement la ligne, qui rayonne d'un centre surélevé, peut s'arrêter au lit sec d'un cours d'eau saisonnier (3%) des cas, à une rivière principale, à une cime (4%), mais aussi conduire à un autre centre linéaire, quoique dans 78% du lot elle ne connecte pas entre eux ces points de focalisation.

La largeur des lignes varie, et parfois pour le même exemple. Leur écrasante majorité a moins d'un demi mètre d'épaisseur, la plus courante dimension, statistiquement, semblant un peu supérieure au tiers de mètre (0.39m +/- 0.07), encore que les archéologues n'ont pas toujours noté les variations de largeur d'un même géoglyphe linéaire, faute d'en suspecter les enseignements. Aveni établit ce constat sur celui qui connecte le centre n°45 au n°37 : la ligne est large de 1.9m à une distance de 0.8km du n°45, puis se réduit jusqu'à 1.5m au 1.3km, mais passe à 1.7 m au 2.0km, avant de se rétrécir davantage, jusqu'à 1.2m au 2.3km et finalement à 1.0m au 4.2km, soit approximativement à 1km du centre n°37. Comment avec de telles variations établir autre chose qu'une moyenne indicative et arbitraire ! En l'occurrence on constate que globalement ladite ligne, ainsi que tant d'autres, s'effile et amincit en direction du centre n°37 comme si ses deux lisières en irradiaient. Cependant le géoglyphe, à partir du centre n°45, subit un rétrécissement quand le terrain descend vers un quebrada, puis s'élargit à la remontée sur le coteau opposé et y file ensuite plus longuement ; sur la section où les largeurs notées fluctuent sensiblement, l'épaisseur du trait pourrait donc subir la morphologie du terrain, à l'inverse d'autres cas où les lignes semblent, par leur rigoureuse rectitude, comme tranchées au couteau, telle l'intersection de deux plans, à savoir celui du sol et celui d'un plan vertical contenant la direction de visée.

De plus, nombre de figures géométriques de grande surface sont dotées d'un appendice consistant en une longue ligne étroite qui semble s'élancer ou provenir de leur apex. Elle court ensuite sur un kilomètre ou plus, avant de mourir en général à la base d'un centre linéaire, ou sur une autre figure géométrique, mais sans relation apparente. Et si cette ligne appendice, faisant corps avec le géoglyphe principal, garde une constante épaisseur pour quelques cas, dans bien d'autres elle s'effile et se rétrécit graduellement, comme le trapèze ou le triangle dont elle provient. Elle a son maximum de largeur à la petite base ou à l'apex de la grande surface géométrique quittée ; elle forme donc par elle-même un très fin triangle (puisque d'élongation considérable) dont la base se confond, et sans démarquage, avec celle rétrécie de ladite aire. Cette forme linéaire effilée, qui se répète, ne saurait être due au hasard et doit être l'objet de toute réflexion sur ce type de géoglyphe, sa nature, son mode de génération, puisque, si souvent, pour des aires et leur appendice, l'implantation axiale du motif est rayonnante vers un centre. Comme l'est aussi parfois la lisière du trait qui les délimite au sol, ou nombre d'autres lignes isolées et affectées de cette morphologie de figures plus ou moins effilées, voire disposées en ailes de moulins trapézoïdales autour dudit centre.

Si l'on rassemble toutes les lignes dans une seule catégorie fourre-tout on en vient au jugement d'Aveni selon lequel "il n'y a rien pour distinguer les caractéristiques d'une ligne qui connecte les centres de lignes avec une qui ne le fait pas, pas plus qu'un alignement ou une dimension évidente pour les lignes entre centres connectés et centres non connectés".

Cependant, il paraît difficile, sauf sur le plan de la similitude de traçage au sol, d'assimiler les lignes zigzaguantes engendrant éventuellement un dessin figuratif, ou reliées à un grillage, voire variant considérablement d'épaisseur, aux lignes joignant deux centres éloignés et où leur relation est, là, clairement, au moins, l'un des objectifs. D'autant que ces liaisons inter-centres, en général peu malmenées par le relief au niveau de leur largeur, alignent, gardent, parallèlement à leur extrême longueur, une rigidité, fixité, indépendance et régularité qui les distinguent des autres. Parfois utilisées comme sentiers reliant deux centres étoilés (car d'autres espèces de lignes et géoglyphes géométriques en rayonnent) elles évoquent les rectilignes ceques de l'empire inca, si elles ne les annoncent ou en sont le prototype. La filiation éventuellement chronologique qui relie les géoglyphes figuratifs, les plus sous-jacents, associés à la céramique EIP, aux plus superficiels, géométriques et linéaires, dont les sites sont parsemés d'ultérieurs tessons MH, LIP (surtout) et LH, suggèrent peut-être une évolution de la thématique mise au service d'objectifs culturels, administratifs, ou cultuels, différents des initiaux.

En résumé, on constate que les lignes, par leur morphologie, peuvent correspondre, malgré et avec leur rectitude commune, pour telle à un procédé par projection de fil comme celui des géoglyphes naturalistes, ou surtout des géométriques associés, et pour telles autres à de simples cheminements rectilignes, uniformes dont on peut envisager qu'une technique voisine, mais différente, a peut-être permis de les engendrer à moindre difficulté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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