Simples
lignes droites, les ceques
La matérialisation au sol de lignes droites très longues,
parfois kilométriques, soit comme séparation administrative des ayllus,
soit comme sentiers pédestres appelés ceques
a toujours frappé d'émerveillement les archéologues travaillant sur
les civilisations incas et précolombiennes du Pérou. C'est que les longs
et fastidieux alignements d'une droite par piquetage et reports de cordes
ou chaînes d'arpentage, tous procédés que l'on suppose nécessaires à de
telles réalisations de mise en bout à bout, laissent aussi la place aux
écarts, légers mais sensibles, dans l'opération finale, alors que la perfection
du tracé laisse pantois. Reiche a par exemple signalé que des centres
étoilés pouvaient être reliés par des lignes sur des distances allant
jusqu'à 8 kilomètres. Hawkins a noté que la déviation moyenne de telles
droites ne dépasse pas 3,65 sur 1609 mètres.
Mais la technique que nous suggèrent les géoglyphes de
Nazca est que les montagnards andins étaient particulièrement bien placés
pour remarquer que la simple arête d'une règle ou de tout autre solide
rectiligne, et située devant les yeux, ou encore mieux devant un seul
œil, franchissait l'espace et le relief terrestre, sans aucune prise aux
difficultés qu'un cheminement piéton rencontre à travers monts et vaux,
rivières ou marais, failles ou caillasses, végétation touffue ou désert.
A partir d'un poste d'observation surélevé commander le piquetage espacé
de cette pure ligne virtuelle, en s'aidant de la voix, d'instruments sonores,
du geste et/ou des célèbres et infatigables coursiers quechuas, éliminait
le cumul d'erreurs dues à une multiplicité de petites interventions au
niveau d'un sol accidenté y prédisposant.
La simplicité de la technique en expliquerait sans doute
le succès comme l'archaïsme ou l'absence d'information sur elle, et l'on
peut penser que celle des géoglyphes y est apparentée. Mais l'objectif
étant différent, ces simples lignes droites ne sont que tracées rectilignes,
avec une régulière largeur de sente, puisque l'outil projetant cette limite
ou ce chemin n'était par contre pas lui même l'objet d'une reproduction
ou figuration.
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