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1
Dans un bosquet solitai-ai-aire
Je dormais sur le vert gazon
Quand à l'amour ce témérai-ai-aire
Vient pour lui donner des leçons.
En m'éveillant j'ai voulu m'échapper.
Aussitôt la cruelle
Me poursuivit et m'attrapa,
Me lança un coup d'aile.
De ses traits trop envenimés
Mon tendre cœur fut endommagé
Hélas je ne, hélas je ne
Hélas je ne fais plus que soupirer.
2
Dans ces tristes ala-a-a-armes
Je fuis tout ce beau verger
Dont la beauté de leurs cha-a-armes
Avait toujours su m'amuser.
J'ai vu mon guide qui m'assura
Du doux poids de ces chaînes.
Et je lisais dedans vos beaux yeux
Trop aimable Climène,
Le doux plaisir que l'on a d'aimer
Amour pourquoi m'as tu ménagé
Tous les moments, tous les moments
Tous les moments que j'avais ignorés.
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3
Ce dieu malin l'autre jou-ou-oure
Lorsque j'y pensais le moins
Vient me jouer un pareil tou-ou-oure,
En me disant d'un ton badin
Pour toi danger soupire nuit et jour.
Ne fais point la cruelle.
Soumets ton cœur au tendre retour.
Son ardeur est nouvelle :
Aussitôt le dieu s'envola.
Dans le moment mon cœur s'enflamma.
Faut-il aimer, faut-il aimer
Eh bien "aimons ce fidèle berger" !
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NDLR : Les deux premiers vers nous introduisent dans le
style des jardins du XVIIIème siècle : le bosquet est un groupe d'arbres
plantés et arrangés en vue de fournir l'abri de l'ombrage ou de dissimuler
et embellir la vue ; le gazon nomme un tapis artificiel d'herbe des pelouses
ou des prairies tant qu'elle y est maintenue à faible hauteur. Excellent
cadre pour l'amour dans un confort naturel mais apprêté, déjà conceptualisé
dans le jardin d'amour, autrement dit de rêve, arrosé par une fontaine
et où viennent s'ébattre les amants, jardin qui apparaît dans l'iconographie
dès le XVème siècle, en Allemagne, Norvège et Italie. En France, la scène
parfois nommée Verger d'amour (voir ici le vers 14) s'apparente
au symbolisme du Roman de la rose (miniature du XVème siècle, Arsenal).
Et Rubens a peint des réunions d'amoureux dans un parc qui inspireront
les Fêtes galantes de Watteau et des maîtres du XVIIIème. Le jardin
esquissé dans cette chanson évoque le parc paysagé réalisé pour la première
fois par Kent, en 1710, et dit, à juste titre "jardin anglais". Autres
chansons du XVIIIème siècle de même esprit : Dans un bois solitaire
et sombre ou Dans un bosquet j'étais seulette.
(suivante)
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