I Lieu et circonstances de la découverte

		I Lieu et circonstances de la découverte
		Au printemps 1998, dans le cadre de sa fonction d'officier de police chargé de la sécurité et de la protection des citoyens ou de leurs biens, le Maire de La Chapelle-d'Abondance, architecte de surcroît, constate qu'une ancienne belle maison est ouverte à tous vents et individus, c'est-à-dire propice aux actes gratuits et malveillants, notamment par un risque potentiel d'incendie. C'est dans le village le plus oriental de la commune, à la Panthiaz, que cette demeure vacante et sans maître laisse voir à qui veut, donc à l'édile et homme de l'art, un intérieur dont des boiseries de qualité suggèrent une conséquente bibliothèque. Parmi les papiers épars, maculés, moisis, que des visiteurs indélicats ont éparpillé ou abandonné sur le sol, le maire repère deux manuscrits, l'un de recettes d'apothicaire, l'autre de chansons, objet du présent travail. La commune de La Chapelle-d'Abondance se situe sur la route de Thonon, en Chablais, à Monthey, en Valais. La voie qui y conduit, après Abondance (station estivale et hivernale ayant abbaye et église du XIIème siècle), via le village de Richebourg, remonte, d'abord au niveau du torrent, la rive droite de la Dranse d'Abondance au milieu d'alpages semés de chalets rustiques. Dans le bourg de La Chapelle, son éponyme de 1661, récemment restaurée, atteste la grande ancienneté de cette paroisse(1) dominée par les cimes des Cornettes de Bise. En se dirigeant vers le vaste secteur skiable et méridional des Portes du Soleil, qui chevauche en amont la frontière franco-suisse, on parcourt une charmante région de pâturages dominée par des cimes couvertes de forêts, et l'on continue de remonter, sur la rive droite, la vallée de la Dranse, après avoir traversé La Panthiaz et de nombreux hameaux. La grande station de Châtel ensuite dépassée la route monte au Pas ou Col de Morgins, redescendant sur le Valais. Châtel et la Chapelle-d'Abondance formèrent longtemps la même commune. La Chapelle-d'Abondance est au cœur de la vallée, en son endroit le plus large. C'est un fond plat facilitant l'occupation humaine, d'autant que selon l'intendant Pescatore au XVIIIème siècle, "c'est à peu près le meilleur sol de toute la vallée". Au début du XIXème siècle la commune compte quelques 700 habitants, et un rapport officiel de 1820 signale que "la moitié de la vallée d'Abondance négocie avec le Valais et fréquente uniquement les marchés de Monthey", car la vente du bétail et des produits laitiers se fait, dans une large mesure, sur les places de Monthey et de Saint-Maurice-en-Valais. D'ailleurs les premiers documents du XIIIème siècle notent que les habitants de la vallée d'Abondance sont alors en procès avec leurs voisins de Monthey au sujet des limites pastorales. Les relations entre les deux vallées parallèles et mitoyennes par une commune arête montagneuse ont donc toujours été fréquentes. (1) La Chapelle-d'Abondance, dite Chapelle des Frasses (Capella Fraxiarum) ou "des frênes" à une lieue d'Abondance, est sans doute mentionnée sous cette appellation le 10 octobre 1219 dans un arbitrage ecclésiastique de l'archevêque de Vienne (Regeste Genevois, 1866, imp. Ramboz et Schuchardt, réf. 576). L'église paroissiale, consacrée à Saint-Maurice, date de 1733 et porte un clocher savoyard à bulbe. (suite)