![]() |
50
LE SOLDAT QUI TROUVE SA MIE MORTE |
||
1 Ils étions trois soldats 2 Le plus jeune des trois 3 Quand ils furent au Piémont 4 Le capitaine répond, |
5 Quand il fut au pays 6 Battez, battez tambours, 7 Que maudit soit l'amour |
||
Une chanson dramatique et belle Trouver cette chanson dans le recueil Berssous montre son intérêt puisque les variantes données par Tiersot ou Servettaz, avec des strophes en plus ou en moins, sont recoupées par cette version du 18ème. Les lieux dits où les deux collecteurs ont relevé leurs exemples (Bessans, Sallanches, Torgon, Meylan, Grand-Bornand, Abondance, Châtel, Boëge) les authentifient déjà comme savoyardes. La présente version, par la mention du Piémont, confirme au moins l'adaptation d'une chanson passe-partout à deux régions alpestres mitoyennes et relevant alors de la même monarchie. La carte blanche et le passeport dont il est question dans la strophe suivante impliquent la nécessité de tels documents administratifs pour des pays montagnards et frontaliers où les pérégrinations font passer d'un état à l'autre. C'est bien la configuration d'une zone où s'enchevêtrent terres françaises, helvétiques et sardes. Tiersot a souligné le caractère poétique et délicat de certaines strophes, notamment les dernières qu'il croyait étrangères à la chanson. La version du Chansonnier Berssous montre qu'il n'en est rien, et insiste bien sur la cruauté de la guerre, séparant amants, le dernier qui reste comptant sur elle pour en finir d'une existence gâchée. Le capitaine de la chanson apparaît comme le chef de l'unité de base dans l'infanterie comme dans la cavalerie dont les "chasseurs" évoqués font partie. Il fallut attendre la réforme de Choiseul en 1762 pour que le roi prenne à son compte le recrutement et l'entretien des compagnies : le brevet de capitaine cessa dès lors d'être un titre de propriété pour devenir exclusivement un grade de militaire compétent. L'officier décrit ici est humain, compréhensif, mais obéi. "Comme un brave gendarme" écrit le parolier. Dans la langue classique la qualification s'applique à un homme de guerre monté : définition générale à retenir plutôt qu'à appliquer à un sous-officier de la maréchaussée ou à un gentilhomme de la garde ordinaire du roi, alors son capitaine. Et le jeune amant, traité de "beau dragon", parce que doté d'une haute stature de cavalier, oriente sans doute vers ce type de soldats, combattant à pied et se déplaçant à cheval. Ils prirent rang dans l'infanterie en1668 à travers douze corps où les premières familles de France se firent la gloire de servir. Par ailleurs la qualification plus courante de "chasseur" pour les différentes variantes de notre chanson renvoie aux premiers chasseurs qui, en France, furent ceux de Fischer (voir chanson 66) en 1743, et dont le corps, composé de fantassins et cavaliers a donné naissance aux chasseurs à pieds et aux chasseurs à cheval. Les premiers escadrons de chasseurs à cheval furent formés en 1757. Dès 1760 le maréchal de Broglie créa dans les régiments une compagnie de chasseurs, formés de soldats alertes et bon tireurs, employés comme éclaireurs selon l'usage prussien. En 1775 il existait des chasseurs dans chaque compagnie, qui portaient des épaulettes vertes et un cor de chasse au reversde leur habit. En1776 chaque régiment de dragons reçut un escadron de chasseurs pour le service d'éclaireurs, mais en 1779 on les réunit pour former des régments qui devinrent désormais des unités de cavalerie légère comme les autres(1). Hasard que le même instrument de musique figure aussi discrètement sur l'habit des "chasseurs", dont les alpins contemporains, et au filifrane du papier constituant les pages du manuscrit Berssous, trouvé dans une vallée chablaisienne ! DOCUMENTS Le beau chasseur et sa Nanette morte, extrait de Vieilles chansons savoyardes II, les chansons du soldat, présentation D. Laborde et G. Delarue, édité par le Centre Alpin et Rhodanien d'Ethnologie, Grenoble, 1997, p. 122, 123 :
Coupe en pieds et versification normative proposée par les deux commentateurs
: Bibliographie : Belle interprétation d'une variante (Ce sont trois jeunes garçons [la visite à Adèle]) par Marie-Noèle Lemapihan in Anthologie de la chanson française, La tradition, Cd n°5, 8, production EPM: Cliquer ici pour écouter un extrait (1) Grand Larousse encyclopédique, op. cité. |
|||