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SORTEZ, IL FAUT QUE JE M'HABILLE(1)


 

...

 

Retirez-vous, retirez vous
Ah mon dieu, prenez garde à vous
…. … chien … retirez-vous

4

Hélas pour un homme d'église
Dans quel état que vous voilà
Ah je sens bien d'où va cela
Je sens bien que mon cela s'épuise


(1) C'est l'incipit et le titre de la chanson que l'on retrouve dans la table du manuscrit Berssous, donnée intégralement ci-dessous par une autre source :

1

Sortez il faut que je m'habille
Remettons notre rendez-vous
Je meurs de peur, séparons nous
Si l'on sait ça dans la famille
Ménagez une honnête fille
Retirez-vous, retirez-vous, retirez-vous
Ah mon Dieu, prenons garde à nous
Monsieur l'abbé, chien d'abbé retirez-vous.

2

Dans ma chambre s'il faut qu'on vienne
Que dirait-on de vous y voir.
Allez-vous en, il va pleuvoir.
Quoi, votre bouche sur la mienne
Croyez vous que cela convienne
Retirez-vous, retirez vous, etc…

 

(Partie découpée absente)

 

(Partie biffée)

 

 

 

 

 

 


3

Il ne dit pas une parole
Mais il suit toujours son chemin.
Mais où diantre va votre main ?
Vous me feriez devenir folle.
Je vous dis qu'elle me désole.
Retirez-vous, retirez-vous, etc…

4

Voyez pour un homme d'église
Le bel état où vous voilà
Je vois bien où va tout cela
Arrêtez ma force s'épuise
J'ai du malheur, j'y serai prise
Retirez-vous, retirez-vous, etc…

Copie du manuscrit original, découpé et biffé

Pire que cela, le ça !

La main prude qui a biffé et découpé les strophes d'une chanson polissonne où un homme d'église est impliqué a manqué de perspicacité. Malgré la censure une lecture quasi policière nous a permis d'en saisir quelques bribes !

Déjà suffisamment pour un commentaire sur le substantif CELA. Car de même que son dérivé ÇA, il évoque la chose dont il s'agit, ou que vous savez. C'est un euphémisme servant à évoquer un sujet plus elliptiquement que vaguement déterminé. "Faire ça en public", comme des chiens, couvre un peu l'horreur moralisatrice que suggère le mot, dont, avec ce sens érotique, bien peu d'encyclopédies sérieuses évoquent la signification par de multiples illustrations littéraires.

Alors, faisant la nique à l'auteur disparu de cette amputation du manuscrit Berssous, donnons ainsi le texte d'une autre chanson du XVIIIème siècle, où le CELA est à l'honneur !

 

LE CELA (Air : Vous voulez me faire chanter)

Partout on suit le même ton
Partout la gaudriole
Est un langage de raison,
Qui paraît toujours drôle.
Dans un cercle, ou dans un festin
Joliment on s'escrime,
Quand Vénus, ou le Dieu du vin
Sur ce point nous anime.

Chez jeune, ou vieux, fille, ou garçon
Ce propose s'accrédite.
Femme jolie à ce jargon
Donne un nouveau mérite,
Chacun se réveille à Cela ;
L'on s'arrête à ce titre :
Où l'on en revient toujours là,
Sans tarir le chapitre.

Sur ce que l'on nomme Cela,
En langue de Cythère,
Jamais on ne se méprendra,
Fut-on simple bergère.
Iris de ce mot expressif
Entend le badinage ;
On en voit un rouge plus vif
Lui monter au visage.

 

Fille est rêveuse, quand
Cela Lui trotte dans la tête ;
Ou soudain aux champs la voilà,
Il n'est rien qui l'arrête :
De novice en Cela souvent
Elle devient maîtresse ;
Et même une fille aisément
En Cela nous redresse.

Ce que l'on entend par Cela,
Est donc pas excellence,
Chose exquise qu'on désigna,
Sous ce mot d'importance.
C'est à Cela, dans tout pays,
Que tout tend, tout aspire ;
C'est par Cela, mes chers amis,
Qu'ici bas tout respire.

Chacun veut tâter de Cela
Notre mère nature,
Par un doux instinct, nous porta
A Cela… qu'en conclure !
Sinon que si tout nous parla
De Cela sans mystère,
Nous devons, sans en rester là,
Chercher tous à le faire.

Pour la chanson du recueil Berssous c'est toujours de cela qu'il s'agit dans la version retrouvée sur un manuscrit de chansons amoureuses du XVIIIème siècle (1), avec la musique, et sous reliure aux armes de Léon de Montmorency. Le timbre fourni est bien celui donné sous le même incipit par la Clé du Caveau au n°1119. On le trouve dans le Chansonnier Maurepas, avec le même premier vers (2), comme vaudeville (La peureuse) et dans L'amusement des dames ou Recueil d'airs choisis, menuets, contredanses, vaudeville et ronde de table en 1756 (3).

Cliquez pour écouter

(1) Bibliothèque Mazarine, Ms 3991, p. 107. Texte donné page précédente, en italique.
(2) BN ms fr. 12657, Vol. II, air noté, p. 377.
(3) Paris, Me Boivin, Leclerc, Mlle Castagnéry, Duchêne. Ouvrage cité par B. Huys : Catalogue de la Bibl. Roy. Albert Ier, Bruxelles.

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