
            
|
|
1
Ecoutez l'aventure,
D'un pauvre villageois ;
Moi qui de ma nature,
Suis honnête et courtois,
Un beau jour j'ai promis
A ma chère Climène(1).
De la servir gratis,
Le long de la semaine.
2
Le lundi pour lui plaire
J'ai pris la bêche en main ;
La matinée entière
J'ai bêché son jardin.
Puis je fus droitement
M'asseoir auprès d'un chêne
Et d'un baiser charmant
Elle me paya ma peine.
3
Mardi nous nous joignîmes
Dès le soleil levé.
A la grange nous allîmes
Pour y battre du blé :
Nous battions tour à tour
Avec le même zèle.
Cependant au retour
J'étais bien plus las qu'elle.
4
Le mercredi d'ensuite
Au bois elle me mena.
Ma tâche fut réduite
A lui tracer un nœud(2).
Voilà dit-il(3) un moineau
D'un très rare plumage,
Si vous le trouvez beau
Mettez le vite en cage.
Principales variantes du Chansonnier françois
(op. cité)
(1) Claudaine,
(2) A lui chercher un nid,
(3) dis-je,
|
5
Jeudi j'ai l'ordonnance
De garder mon troupeau,
J'ai eu(4) la complaisance
De venir sous l'ormeau :
Là me sentant pressé
D'une ardeur sans pareille,
Je lui donna le baiser
Qu'elle me bailla la veille.
6
Vendredi la futée
Me présenta le bec,
Me dit toute attristée :
Mon moulin est à sec.
A ce travail nouveau
Il fallut s'y résoudre.
Elle fit venir tant d'eau
Qu'il fut aisé d'y moudre.
7
Samedi quel ouvrage !
Du matin jusqu'au soir.
Nous fûmes d'un grand courage
Travailler au pressoir(5) :
Quoique le mouvement
Me mit presque hors d'haleine
Il fallut constamment
Arroser le système(6).
8
Dimanche ma bergère
Me dit : "Mon cher ami
N'avons-nous rien à faire".
"Nenni pour aujourd'hui"
Six jours sans me lasser
A servir ce que j'aime
Je veux me reposer
Tout au moins le septième.
(4) Elle eut,
(5) Fouler à son pressoir,
(6) je foulai tant et tant, que la cuve en fut pleine.
|
|
Un classique de la chanson polissonne du XVIIIème siècle
Avec le même incipit, et porté par le timbre n°166, cette
chanson figure dans la Clé du Caveau. Chanson polissonne toute
de sous-entendus et de métaphores :

A de légères variantes près, c'est la même chanson (thème,
timbre et paroles) que donne en 1760-1762 le Chansonnier françois sous
le titre La semaine du paysan(1). Le ruralisme y est accentué par
un type de conjugaison populaire et provinciale du royaume de France,
mais qui n'est pas celui de la Savoie au parler franco-provençal. La version
Berssous se rapproche plus volontiers du bon français de Vaugelas. Le
prénom de la chanson parisienne pour typer une femme de la campagne Claudaine,
aurait dû, dans la langue vernaculaire du Chablais, devenir Lyaudine
alors qu'il s'est mué, dans le manuscrit Berssous en une Climène qui est
tout autre prénom du français classique. Les travaux du mardi et du jeudi
sont intervertis selon les versions.

De leurs paroles le texte est Lu et approuvé le 30
mai 1757 sur un livret ou Recueil factice(2) des plus belles
chansons et airs de cour, chez la veuve Garnier à Troyes, comme la
chanson de Fleury sur air d'Aubert. Elle paraît dans les Folies ou
poésies diverses, publiée en 1761 à Paris et Avignon, chez Duchesne
(p. 288) ; elle y est intitulée : La semaine du paysan (etc..)
avec pour incipit Acoutez l'aventure. Elle figure à peu près dans
tous les chansonniers imprimés de la seconde moitié du XVIIIème siècle(3).
(1) Dans la réédition Slatkine (Genève) de
1971, p. 384 du t. I. Dans la publication originale du XVIIIème : recueil
VI, p. 69 ; air n°69.
(2) Recueil factice : réunion sous une même reliure de pièces et
œuvres diverses d'un même auteur et se rapportant au même sujet.
(3) P. Coirault, Recherches sur notre ancienne chanson populaire traditionnelle,
Vol. 5, Paris, librairie Droz, 1933, p. 574.
(suivante)
|