Retour à l'accueil
13
LE MARTYRE DE L'AMANTE AU COUVENT
(air non identifié)


1

Faut-il pour un amant
Que ce couvent soit ma résidence ?
Verrais-je avec plaisir
Bientôt finir ce temps de souffrir ?
Sans cesse dans l'impatience
Dois-je donc perdre l'expérience
De voir le lieu charmant
Où mon amant me fit son serment ?

2

Ce jour délicieux
Est trop heureux que je le regrette.
Mes yeux vous ont perdu.
Vœux superflus. Non, je ne sors plus.
Voltigeons de ce vert bocage.
Cessez donc votre joyeux ramage.
Julie est au couvent.
Bien tristement, loin de son amant.

3

Ce jour peu consolant
Trop auniant(1) fatale retraite
Je vois de mes beaux jours
Le triste cours passer sans amour.
Loin de l'amant que je regrette
Je pleure et je languis seulette,
Hélas que devenir,
Toujours gémir. Il faut donc mourir !

4

Grille, triste parloir,
Votre pouvoir fait couler mes larmes.
Peu ou plus de fierté !
De la dureté pour ma liberté !
Au monde, je n'ai plus des charmes
Mes plaisirs se changent en alarmes.
Amour, grand dieu des cœurs
Calmez mes pleurs, changez mon malheur.

5

Vous qui sous des verroux
Parut jaloux me donnant des chaînes
Est-c'(2) un crime d'aimer et de charmer !
Pourquoi m'alarmer
Ignorez-vous toutes les peines
Que j'endure amante inhumaine
L'amant dont j'ai la foi
Est loin de moi sans savoir pourquoi.

6

Barbare de mon cœur
Votre fureur quand finira-t-elle ?
J'aimerai mon amant
Sincèrement éternellement.
Quand je fermerai mes paupières
Au ciel je ferai ma prière
Qu'il vive heureux content.
Puis en mourant, adieu mon amant !

7

Petits oiseaux du bois
Joignez ma voix, plaignez mon martyre
Aux bergers d'alentour.
Chantez toujours mes tristes amours.
Je me plains, hélas je soupire.
C'est en vain que je le désire
Amour, grand dieu des cœurs
Calmez mes pleurs, changez mon malheur.

 


(1) Auniant : mesurant à la longueur de l'aune, comme l'auneur avant la Révolution… un i erroné ajoute syllabe supplémentaire par nécessité rythmique.
(2) c' semble nécessaire adjonction.

Avec la rime, la césure et l'hémistiche

Comme dans les autres chansons de ce recueil sur les nonnes par contrainte, c'est encore un cri de haine et de désespoir d'une malheureuse, enterrée vivante derrière la grille de son couvent, aussi sûrement que si on l'avait mise en bière. Le thème de la fille ainsi enfermée et cloîtrée, si fréquent au XVIIIème siècle et dénoncé par de tels textes, se rencontre déjà au XIIIème dans les œuvres des trouvères (La belle Ydoine, par Audefray le Bâtard) et dans diverses complaintes comme La fille du roi Louis, La princesse amoureuse, La fille qui veut aimer(1).

Cloitre dans un couvent

Le poème relève ici d'un art consommé de la versification. La rime, en effet n'est pas le seul élément rythmique en fin de vers, car elle est l'un des temps dont le retour, à intervalles réguliers mais plus courts, peut encore mieux structurer ce rythme, en des emplacements typiques suivant la longueur dudit vers. La césure, qui est une pause dans l'intérieur de ce dernier, après une syllabe accentuée, impliquée ou tolérée par la syntaxe, le divise en deux parties dont la première peut aussi se terminer par une rime. Ainsi, comme présentement, dans les rimes brisées, des vers une fois coupés à la césure présentent une autre suite de petits vers rimant ensemble. L'intérêt d'un tel dispositif est que la pièce peut avoir deux sens différents ou même opposés selon qu'on lit et comprend l'ensemble des vers ou seulement une série d'hémistiches, ces sections de vers qui n'ont pas nécessairement le même compte de syllabes. Une autre possibilité de ce découpage est de faciliter la correspondance entre la métrique et le timbre musical qui la porte, en augmentant la possibilité d'user de vaudevilles divers.

Dans les décasyllabes les césures doivent se trouver obligatoirement, soit après la quatrième, soit après la cinquième syllabe. Les vers de 9 syllabes se décomposent généralement en 5+4, ou bien la coupe apparaît après la troisième syllabe.

(1) M. Robine, Anthologie de la chanson française, Albin Michel, Paris, 1994, p. 6.

   

1

Faut-il pour un amant
Que ce couvent
soit ma résidence ?
Verrais-je avec plaisir
Bientôt finir
ce temps de souffrir.
Sans cesse
dans l'impatience
Dois-je donc
perdre l'expérience
De voir le lieu charmant
Où mon amant
me fit son serment ?.

2

Ce jour délicieux
Est trop heureux
que je le regrette.
Mes yeux vous ont perdu.
Vœux superflus.
Non, je ne sors plus.
Voltigeons
de ce vert bocage.
Cessez donc
votre joyeux ramage.
Julie est au couvent.
Bien tristement,
loin de son amant.

3

Ce jour peu consolant
Trop auniant
fatale retraite
Je vois de mes beaux jours
Le triste cours
passer sans amour.
Loin de l'amant
que je regrette
Je pleure
et je languis seulette,
Hélas que devenir,
toujours gémir.
Il faut donc mourir !.

4

Grille, triste espoir,
Votre pouvoir fait
couler mes larmes.
Peu ou plus de fierté !
De la dureté
pour ma liberté !
Au monde,
je n'ai plus des charmes
Mes plaisirs
se changent en alarmes.
Amour, grand dieu des cœurs
Calmez mes pleurs,
changez mon malheur.

5

Vous qui sous des verroux
Parut jaloux
me donnant des chaînes
Est(-ce) un crime d'aimer
et de charmer !
Pourquoi m'alarmer
Ignorez
vous toutes les peines
Que j'endure
amante inhumaine
L'amant dont j'ai la foi
Est loin de moi
sans savoir pourquoi.

6

Barbare de mon cœur
Votre fureur
quand finira-t-elle ?
J'aimerai mon amant
Sincèrement,
éternellement.
Quand je fermerai
mes paupières
Au ciel
je ferai ma prière
Qu'il vive heureux content.
Puis en mourant,
adieu mon amant !

7

Petits oiseaux du bois (a)
Joignez ma voix, (b)
plaignez mon martyre (c)
Aux bergers d'alentour. (d)
Chantez toujours (e)
mes tristes amours. (f)
Je me plains, (g)
hélas je soupire. (h)
C'est en vain (i)
que je le désire (j)
Amour, grand dieu des cœurs (k)
Calmez mes pleurs, (l)
changez mon malheur. (m)

 

Structure de versification

(suivante)