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LES VENDANGES DE L'AMOUR
(air non identifié)


1

Me voilà revenue de vendanges.
Que j'ai du malheur (1)
J'ai perdu mon panier sans anse.
Me voilà revenue des vendanges.
C'est une saison favorable pour les garçons
Dans les vignes on badine on s'amuse
Et à la maison il faut avoir bien des excuses.
Si maman savait toutes ces ruses
Elle me gronderait, jamais je n'y retournerai.
Me voilà revenue (bis).

2

Un beau jour dans la vigne à ma tante
Colin s'y trouva. Non je n'en puis me défendre.
Un beau jour dans la vigne à ma tante
Le fripon soudain m'a mené dans un petit coin.
Quand nous fûmes enfoncés dans la vigne
Me prit un baiser, hélas c'était à la sourdine
Quand nous fûmes enfoncés dans la vigne
Mon cœur soupira, jugez de mon embarras.
Un beau jour (bis).


(1) Le vers doit faire partie du suivant, à l'avant, pour la correspondance des rimes. Chaque strophe doit avoir 9 vers avec redoublement de ce neuvième.

3

Je suis à présent bien plus savante.
Si maman le sait elle ne serait pas trop contente.
Je suis à présent bien plus savante.
C'est le travail d'amour qui m'a joué un pareil tour.
Hélas quand on a le cœur tendre
D'un perfide amant on a grand peur à s'en défendre.
Hélas quand on a le cœur tendre
On peut sans tarder dire adieu à sa liberté
Je suis à présent (bis).

4

Depuis le temps mon malheur s'augmente
Un grand mal de cœur tous les matins me tourmente
(2) Je vois tous les jours que mon jupon devient trop court.
Filles qui allez en vendange
Prenez garde à vous, car ils sont pleins de tours
(3) Depuis ce temps (bis).


(2) Le premier vers devrait être répété comme dans les strophes précédentes.
(3) Le cinquième vers devrait être ici répété comme dans les strophes précédentes, et il manque en outre le huitième vers qui doit évoquer les séducteurs de filles.

Le panier est en cause

A écouter cette chanson on comprend que des prêtres savoyards, tel le curé de Publier, se soient émus des filles qui partaient participer aux travaux de la vigne, d'effeuillage et de vendange : "quelques unes … vont aux environs de Genève ou en Suisse pour les moissons, et en automne pour les vendanges. Des avis analogues à leurs besoins sont donnés par le pasteur aux effeuilleuses avant leur départ, et une surveillance secrète et exacte les accompagne dans cette émigration dangereuse encore aujourd'hui, malgré l'existence des églises catholiques et la présence des prêtres dans le canton de Vaud"(1).

Vaines précautions ! La chanson ne nous dit pas si ce fripon était un damné protestant ou un perfide libertin. Toujours est-il qu'il engrosse la vendangeuse sans que nous sachions s'il répara son acte. Même alors le curé de Publier nous instruit de la suite : "Quand une fille a failli, elle ne porte point de couronne à son mariage qui se fait en ce cas de grand matin et sans bruit. On ne carillonne point au baptême de l'enfant illégitime ni de celui qui vient au monde avant le sixième mois de mariage de la mère"(2) . Sinon l'Eglise, en 1854, a la bonté de considérer qu'une naissance après le sixième mois des noces est celle d'un prématuré viable.

La chanson en évoque une similaire, titrée Adieu paniers, vendanges sont faites, sur l'air des Vendanges de Suresnes dont le timbre est donné au n°9 de la Clé du Caveau.

(1) R. Devos et C. Joisten, Mœurs et coutumes de la Savoie du Nord au XIXème siècle, l'enquête de Mgr. Rendu, Ac. Sal. et CARE, 1978, vol. 6, p. 322.
(2) Ibid., p. 321.

(suivante)