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1
Adorable Nanon, - c'est tout de bon
Hélas je te quitte
Veux-tu savoir pourquoi
L'ordre du roi - parvient jusqu'à moi
Je te dis adieu ma petite
Voici ma dernière visite
Car dès demain le(1) matin
Nous partirons, rien de plus certain.
2
Que dis tu cher amant, - quel changement
Hélas je me pâme.
Tout est perdu pour moi.
La dure loi ! - Quoi, vivre sans toi !
Que devient l'amoureuse flamme
Que tu fis naître dans mon âme ?
Je sens que des douleurs
Je vais mourir ; grand dieu quel malheur !
3
Bannis ce noir chagrin, ton cher Colin
De gloire il se pique.
La fortune l'entend.
Vite il se rend dans son bâtiment
Nous allons à la Martinique
De voguer j'en sais la pratique
Ainsi consoles-toi :
Je te promets mon cœur et ma foi.
(1) Le inutile et crée une syllabe
anormale dans la métrique. Erreur vraisemblable.
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4
Je crains que dans les eaux, - où les vaisseaux
Sont souvent naufragés,
Tu ne viennes à périr.
Et ton trépas(2) - me fera mourir
Ce serait un bien grand dommage
Tu sais qu'à la fleur de mon âge,
N'ayant plus mon amant
Je ne saurais vivre un seul moment..
5
Comme je le prévois, dans quinze mois
Je reviens à terre.
Nous nous marierons.
Chère Nanon, - ah que nous rirons
Je porterai l'abondance.
Nous vivrons dans l'opulence.
Joyeux et bien contents,
Nous passerons fort bien notre temps.
6
Adieu mon cher Colin, touche moi la main.
Sois toujours fidèle
Mon cœur, aussi ma foi,
Seront pour toi. - Sois bien sûr de moi.
Souviens-toi que le cœur t'appelle.
Viens à lui, ne sois pas rebelle.
Use d'un prompt retour :
Tu dois répondre à mon retour(3).
(2)La rime à la césure n'étant pas assurée
par trépas, le remplacement du mot par martyr(e), avec élision
du e, a pu être préféré.
(3) La répétition de retour est une très vraisemblable erreur.
La logique du texte implique le mot amour.
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Même peine, même motif
Partance et doléances sentimentales de cette chanson sont
identiques à celles du n°81 à laquelle nous renvoyons pour les considérations
chronologiques les situant pareillement dans le temps et l'histoire coloniale.

Le présent texte est particulièrement intéressant pour sa
versification élaborée, que la relative étroitesse de largeur des pages
du manuscrit Berssous n'a pas permis de mettre en valeur en donnant toujours
sur une même ligne l'intégralité des vers les plus longs. Nous avons rétabli,
en conséquence, parfois l'unité graphique du vers saucissonné, car c'est
justement la vraie césure, et son traitement poétique qui montrent la
qualité. Par exemple dans le quatrième vers de chaque strophe le premier
hémistiche rime à la fois avec le vers précédent et avec la fin du sien.
Et pour le premier vers de tout couplet, même harmonie entre les fins
de chacun de ses deux hémistiches. Selon la longueur du vers (9 ou 10
syllabes) la place de la césure est systématisée. Même rigueur pour la
répartition des rimes masculines ou féminines.

A titre comparatif, une chanson savoyarde traditionnelle
relevée par Servettaz (op. cité):

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