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1
Au dieu d'amour si j'eus rendu les armes
C'est malgré moi le fait en est certain
Je craignais tout du beau sexe les charmes
Qu'au cabaret j'allais soir et matin
Au dieu d'amour (bis).
2
Avec du vin et de l'argent dans ma poche
Je comptais braver l'amour et son carquois
Lorsqu'un beau jour le petit dieu me décocha
Un de ses traits les plus piquants je crois
Avec du vin (bis).
3
Au cabaret je buvais chopinette
Et là mon cœur croit être en sûreté,
Quand j'aperçus une brunette.
Au même instant je perdis ma liberté.
Au cabaret (bis).
4
Que de beautés je voyais dans cette fille
Qui de mon cœur venait de s'emparer.
Plus je la reluquais plus je la trouvais gentille.
Mon cœur d'amour se laissait ennivrer.
Que de beautés (bis).
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5
Je m'approchais sans rien faire paraître
Mais seulement pour contenter mes yeux.
Déjà l'amour de mon cœur était maître.
Ainsi ce dieu punit les curieux !
Je m'approchais (bis).
6
Ma toute belle était une donzelle
Qui promenait ses grâces sur le soir.
Je n'en savais rien, je fis l'amour à la belle
Qui me promit d'aller souvent la voir.
Ma toute belle (bis).
7
Tout transporté le lendemain bien vite
Je fus chez elle avant déjeuner.
Mais quel malheur en revenant au gîte,
Je m'aperçus avoir un pied de nez.
Tout transporté (bis).
8
Ce fut alors que j'envoyais les filles
Et leurs appas au diable. D'un grand cœur !
Plus elles sont agréables et gentilles
Et plus on doit craindre quelque malheur
Ce fut alors (bis).
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Du premier pas au premier pet
Avant même d'avoir recherché dans les ouvrages classiques
de la vieille chanson française le timbre de celle-là, une chanteuse avertie,
par les coupes et la métrique des strophes, y a immédiatement reconnu
celui de "Petit papa c'est aujourd'hui ma fête". C'est dire l'intérêt
de faire une recherche sur la chanson avec des interprètes pointus et
cultivés, et qui la vivent autant qu'ils l'analysent.
Effectivement, l'incipit de la version du manuscrit Berssous,
permet, vu l'identique dans la Clé du Caveau(1), de retrouver par
une autre démarche ledit timbre. De même que dans la 8ème mesure il doit
d'ailleurs y avoir, en la 16ème, un silence plutôt qu'une noire pour clairement
achever la séquence mélodique et bien marquer la fin du vers.
La chanteuse note en outre que l'air est aussi celui de
"Le premier pas se fait sans qu'on y pense". Le déclic sur l'identité
du timbre peut provenir du plus petit commun dénominateur entre les deux
versions textuelles, à savoir le monosyllabique fait, qui se trouve
à la même place du 2ème vers de la première strophe, porté par même note
(sol et croche), au début de la 7ème mesure.
C'est toujours le substantif fait qu'on retrouve
à sa place dans la 3ème version, à peine obscène, du folklore enfantin,
partant d'une proximité phonétique et onomatopéique entre pas et
pet, pour transformer le texte en cocasse rengaine rabelaisienne
:
Le premier pet se fait sans qu'on y pense
Sans qu'on y pense se fait le premier pet
On pète d'abord avec insouciance
Puis tout à coup du trou du … s'élance
Le premier pet (bis).

Revenons à la chanson du manuscrit Berssous pour son thème
sur le cabaret et une dénonciation implicite des fréquentations douteuses
qui aura plu aux tartuffes de l'époque. C'est au cours de la première
moitié du XVIIIème siècle que ce type d'établissement modeste, où l'on
achète des boissons au détail, où l'on mange et surtout où l'on boit (avec
même de célèbres enseignes parisiennes au temps des poètes comme Théophile
de Viau, Colletet, Saint-Amant, Voiture, Boileau), est détrôné par le
café, soumis, dès la Régence, dans les dernières années du règne de Louis
XV et même jusqu'en 1789, à des règlements de police sévères interdisant
l'admission de femmes de débauche, de soldats, de vagabonds, mendiants,
et de servir à boire le dimanche ou pendant les offices divins des jours
de fête. Le cabaret est donc bien le cadre approprié au thème de la chanson.
Une brunette et sur une brunette ! Pour un
sujet galant ou pastoral c'est une petite composition qui adopte la coupe
de l'air léger du XVIIème siècle (AA, BB) et/ou qui présente des refrains
; le nom, issu de la poésie populaire médiévale, vient de l'idéal féminin
qu'était la "petite brune", laquelle symbolisa ultérieurement "l'amour
tendre" dans l'air de cour. On doit à Ballard le premier recueil imprimé
de Brunettes ou Petits airs tendres (1703-1711). Rameau en inséra
dans ses opéras au XVIIIème siècle. Par la suite, la brunette fut
traitée, soit avec un esprit grivois la rapprochant du vaudeville, soit
avec une sentimentalité édulcorée annonçant la romance(2).

(1) N° 354, tiré d'un vaudeville de Doche,
intitulé : Le petit courrier.
(2) G.L.E., 1960, t. II, p. 412, op. cité.
(suivante)
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