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1
C'est la fête à Philippine.
Amour, je viens t'implorer
D'une rose sans épine.
Il s'agit de la parer
Si tu m'aides je devine
Où je puis la rencontrer.
2
Dans mon cœur est cette rose.
L'hymen un jour s'y planta.
Le désir qui vit la chose,
De sourire la supplia.
Bientôt elle fut éclose
Et le plaisir l'arrosa.
3
Si le soin de sa culture
A trompé mon doux exploit
Le tort en est à la nature
Qui m'en ôta le pouvoir.
Amour tu sais l'aventure :
J'ai pêché sans le vouloir.
4
Mais une santé brillante
Reprenant son heureux cours,
Maintenant rose charmante
Tu seras seul mes amours
Et ta culture enivrante
Les délices de mes jours.
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5
Va-t'en dire à Philippine,
Amour, que j'ai refleuri.
Que ma rose est sans épine
Et que moi son cher mari
J'en voudrais à la sourdine
Orner son panier joli.
6
Je me plains à vous ma femme
De cette opposition
Que vous marquez pour ma flamme
D'une vive passion
Quand on coupe ainsi sa trame
C'est vouloir l'extension(1).
7
Les devoirs du mariage
Furent faits pour maintenir
L'union dans le ménage.
Par le charme du plaisir.
Ce n'est donc pas être sage
Que de ne les point remplir.
7 F
7 M
7 F
7 M
7 F
7 M
(1) Plutôt l'extinction.
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Pour parer à l'eau dans le gaz
L'incipit "C'EST LA FETE A PHILIPPINE" évoque, par le prénom,
pourtant d'étymologie grecque, le nom féminin (tiré de l'allemand vielliebchen,
"bien aimé", altéré en Philippchen, d'où Philippine), de
ce jeu dans lequel deux personnes se partagent deux amandes jumelles :
la première qui abordera la seconde en la saluant d'un Bonjour Philippine
sera la gagnante. C'est bien ce qu'aimerait sans doute faire ici le mari
éploré, qui demande à l'amour de l'aider pour qu'il rencontre ladite prénommée,
en la parant d'une rose.
A l'incertitude d'un tel rapprochement s'ajoute celle de
l'air de la chanson. Comme le sixain (en trois paires de vers, à rimes
tantôt féminines tantôt masculines, et enchaînant 8 puis 7 syllabes) structure
en sept strophes un poème qui, par son libellé et sujet, nous semble le
seul exemple connu, le timbre, ignoré, peut alors être suppléé par celui
de tout vaudeville dont la mélodie suit la même trame rythmique. Ils sont
nombreux dans la Clé du Caveau.
Proposons même l'air dont l'incipit, JE ME LEVAY DE BON
MATIN(1), malgré l'inversion du genre des rimes, débute un texte qui traite
aussi de l'érosion de l'amour conjugal. Mais la délaissée, peut-être par
pudeur, ne va pas, comme dans la présente chanson, jusqu'à rappeler les
devoirs du mariage qu'invoque, en désespoir de cause, le mari légaliste
de Philippine.
La proposition d'utiliser, pour cette chanson du manuscrit
Berssous, le timbre de branle double donné par Mangent en 1615,par seul
besoin de correspondance arithmétique entre les notes et pieds ou syllabes,
illustre comment les ponts neufs et vaudevilles peuvent dénaturer
une initiale harmonie air-paroles. Ca le chant à danser, comme Mangent
lui-même l'écrit, nécessite une sorte de poésie difficile par "la nécessité
de faire tous les vers de chaque chanson sur une même rime, afin de les
faire rapporter au son et cadence du rechant"
Autre excuse à nous libérer d'une telle heureuse coïncidence
de contrainte d'assonance et de reprise partielle de vers d'une chanson
à laisse, c'est que plusieurs branles sont très anciens et ont eu aussi
des utilisations et reprises diverses comme l'atteste encore Ballard en
1711.
(1) Mangent éd. : Recueil des plus belles
chansons des comédiens françois, 1615, donné dans Paris Voix de ville,
R. Blanchard collecteur, Publ. Commission des travaux historiques de la
ville de Paris, 1998, chanson 84, p. 167.
(suivante)
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