
            
|
|
1
L'autre jour sur un vert gazon
La jeune bergère Hélène
Conduisait ses blancs moutons.
Droit au milieu de la plaine.
Elle chante une chanson
En filant sa quenouillette
Dessus un air d'Apollon.
Les échos du bois lui répètent.
2
Je m'approcha doucement
Près du bosquet pour l'attendre.
Oui c'est un agrément.
Je n'ose pas l'entreprendre
A m'approcher de plus près
Voyant son berger Lisandre
Qui jouait au flageolet
Des airs nouveaux et de plus tendres.
3
La bergère dès ce moment
Fait la folâtre sur l'herbette.
Elle avait de beaux rubans,
De son berger la houlette.
Corydon joyeusement
Accordait sur sa musette.
Car c'est un plaisir charmant
Dedans cette aimable retraite.
|
4
Ah l'aimable passe-temps
Pour ces bergers et bergères
Menant leurs troupeaux au champ.
Ils goûtent le doux mystère
Ensemble sur les gazons.
Oui le dieu d'amour s'intéresse :
Dessus les monts et les vallons
Ils se font dix mille caresses.
5
L'oiseau berger Corydon
Avec la belle Hélène
Profitait de la saison :
En gardant leurs bêtes en plaine
Vont jouant, batifolant.
Que d'agrément dans la plaine
Pour les amants et les amantes.
Cupidon les tient dans ses chaînes.
6
Quel plaisir dans ce champ
Pour les bergers et bergères
Qui conduisent leurs agneaux,
Dessus ces jolies bruyères.
Ensemble font des concerts.
Quel agrément de les voir
Faire chacun leur devoir
Etant sur la fougère.
|
|
L'heure du berger
C'est celle où les amants trouvent les amantes favorables
à leurs vœux. Le
texte ne dit que cela. Sans vagues car monts, vallons et plaines d'un
paysage doucereux, avec un couvert de bosquets, de fougères, de bruyères
à peine plus sauvages que la flore d'un Jardin d'amour, définissent
davantage la Corrèze que le Chablais. Hélène, la belle de l'Odyssée, Corydon
nom du berger chez les poètes bucoliques, ou Apollon et Cupidon, nous
renvoient à un cadre antique imaginé, élyséen, paradisiaque et sans heurts.
Même Lisandre, prénom français, suggère davantage le jeune homme policé
du théâtre classique que celui du réel campagnard de la Savoie profonde.
La quenouille, bâton ou tige de roseau entouré vers le haut de laine destinée
à être filée à la main n'est sans doute pas non plus le long, et de section
carrée, bâton de bois gravé et décoré qui est monté sur le rouet, car
le filage y est domestique et ne se fait pas dans les champs, compte tenu
des conditions climatiques, de transhumance et de conduite pastorale en
pays montagneux. D'ailleurs, le diminutif utilisé, la quenouillette
mignardise presque en jouet ce support typique de fileuse dans d'autres
régions françaises. Les détails sans vigueur de la description esquissée
apportent surtout un côté factice, précieux et mièvre, dans le genre des
bergeries style Marie-Antoinette, en pays de langue d'Oïl où l'on utilisait
la houlette.
Désir et plaisir d'amour ayant pour tapis "le vert gazon"
dans la première strophe, et "sur la fougère" dans la dernière,
la chanson peut être portée par le timbre de celle ayant pour incipit
"L'autre jour sur la fougère" du Chansonnier françois(1).
D'autant que le titre donné, LE BERGER CONTENT, explicitant comment ce
dernier prend plaisir, avec une bergère consentante, sur la fougère, le
thème est bien brodé de la même façon.
La dernière mesure de la partition est incomplète d'une
croche(2) qui arrangerait bien les derniers vers de strophes souvent excédentaires
d'un pied dans la version Berssous. Sinon pour la chanson originale, du
moins dans la présente, la métrique est ou semble incertaine, peut-être
en raison d'une transcription approximative et anormale par rapport à
l'anticomanie du vocabulaire supposant un auteur attentif. Peut-être même
jusqu'à utiliser une conjugaison fautive, mais d'un provincialisme réel
ou de ruralisme affecté avec le "Je m'approcha", au premier vers
de la deuxième strophe.
Il existe une autre chanson(3), créée vers 1730, qui porte
le même incipit, L'autre jour sur un vert gazon, avec la chanteuse
Fanchon comme sujet thématique, mais les strophes n'ont que cinq vers,
et sont d'une métrique un peu différente.

(1) P. 136 et 154 (air n°139) du t. II, dans
le reprint Slatkine.
(2) Raison pour laquelle, nous l'avons rajouté, mais en tireté, à la dernière
mesure du regroupement musique-texte que nous proposons.
(3) Recueil de chansons galantes, t.II, p. 234, B.N. ms. frs. Rés.
Vm. Ms 201 (1-2).
(suivante)
|