FISCHER (JEAN-CHRÉTIEN)
Brigadier des armées du roi. Au milieu du XVIIIème s.,
les Français et leurs ennemis s'accordèrent pour le reconnaître comme
un maître dans la guerre de partisans. Ses origines restent obscures;
il était de religion protestante, très vraisemblablement rhénan ou alsacien.
Il apparaît pour la première fois dans l'armée française en 1740, au
service du comte d'Armentières. D'abord valet d'officier, il donna des
preuves réitérées de hardiesse, pendant la campagne de Bohême, en menant
paître chaque jour, dans les îles de la Moldau, à la tête des autres
valets, les chevaux d'officiers. De ces valets, il forma une compagnie,
dont on lui laissa le commandement. Promu bas-officier, il reçut, grâce
à ses exploits et à la protection des maréchaux de Belle-Isle et de
Noailles, une commission de capitaine réformé dans la compagnie franche
de La Haye (1er nov. 1743), ce qui lui permit de lever une petite unité
de chasseurs, dont l'effectif augmenta au fur et à mesure que ses services
se multipliaient. Les chasseurs de Fischer portaient la pelisse demi-écarlate
bordée de fourrures grises, avec des agréments de laine jaune, la culotte
hongroise demi-écarlate, les bottes à la hussarde, le bonnet noir, le
plumet blanc et la cocarde blanche; ce sont les ancêtres de nos chasseurs
à cheval. En 1744, Fischer opéra d'abord en Flandre, puis, de là, passa
en Alsace; pendant, le siège de Fribourg-en-Brisgau et pendant l'hiver,
il mit à contribution toute la Souabe autrichienne et les pays environnants.
L'année suivante, il était à l'avant-garde de l'armée du Palatinat et
pénétrait dans Francfort, où il enleva, par le plus hardi coup de main,
le rédacteur de la Gazette locale, dont les écarts avaient déplu au
gouvernement de Louis XV. Appelé
en Flandre, à l'armée du maréchal de Saxe, Fischer se montra, tout en
continuant ses exploits de partisan, un remarquable agent de renseignements.
Après le siège de Berg-op-Zoom, où il s'était distingué, le roi lui
accorda, le 15 sept. 1747, une commission pour tenir rang de lieutenant-colonel
d'infanterie et de cavalerie. Pendant la période de paix, en 1754, les
chasseurs de Fischer furent utilisés, comme d'autres rég., pour essayer
de faire cesser les activités du fameux contrebandier Mandrin. Fischer
le surprit à Gueunand (Saône-et-Loire), mais, malgré la supériorité
de ses effectifs, ne put s'en emparer. A peu près à la même époque,
Fischer recruta, à la demande de la Cie des Indes, un corps de volontaires
qui, par la suite, servira dans la guerre en Amérique. La guerre de
Sept ans allait porter sa réputation à son apogée. Avec deux cents hommes,
en juill. 1758, il enleva Marbourg et, Ziegenheim, entra dans Göttingen.
et Einbeck levant des contributions, faisant des prisonniers, capturant
du matériel de guerre et du ravitaillement. Le mois suivant, il attaqua
le Hanovre, possession du roi d'Angleterre George 11, et infligea une
grave défaite aux chasseurs hanovriens, qui perdirent cent deux tués
et vingt-sept prisonniers, chiffres très importants, compte tenu des
effectifs restreints mis en présence. Après la bataille de Bergen (13
avr. 1759), il défit l'arrière-garde prussienne, au passage de la rivière
d'Arloff, sous Hungen, tailla en pièces un bataillon de grenadiers,
deux escadrons de dragons de Finckenstein et obligea les trois autres
escadrons de ce rég. à mettre bas les armes. Il leur enleva deux étendards
et leur caisse militaire, ce qui lui valut sa promotion au grade de
brigadier (21 avr. 1759). Il sut s'en rendre digne, en défendant très
longtemps Oberwinter, en maintenant ses postes sur la ligne de la Roer
et en étant l'un des principaux artisans de la victoire de Clostercamp
(16 oct. 1760). Entre temps, le 2 sept. 1759, il était devenu chevalier
de l'ordre du Mérite, réservé par la monarchie française à ses officiers
de confession protestante. En dépit des services qu'il avait rendus,
très jalousé par beaucoup, peu aimé du maréchal de Broglie, Fischer
connut une demi-disgrâce, car, le 27 avr. 1761, Louis XV signa une ordonnance
donnant en titre le corps des chasseurs au marquis de Conflans, Fischer
n'en étant plus que lieutenant-colonel. Il se confina alors dans son
service de renseignements; là encore, on lui adjoignit une " doublure
" dans la personne d'un certain Goldberg, et, mal renseigné par lui,
Fischer ne put prévenir à temps ses chefs d'un mouvement de l'ennemi.
Très piqué dans son amour-propre, il s'alita et mourut le 1er juill.
1762, emporté en trois jours par une fièvre maligne. Le 3, du camp de
Landwerhagen, le maréchal de Soubise écrivait au ministre : " Nous le
regrettons beaucoup et je crois avec raison ". Le général Pajol conclut
ainsi la très courte notice qu'il consacre à Fischer : " Sa vie devrait
être écrite avec détails et répandue dans l'armée pour servir d'exemple
et d'encouragement. "
Arch. de la Guerre. - Pinard, Chron. Hist.-mil.,
VII, 527. - E. de Ribeaucourt, Vie mil. De J.-C. Fischer. - R.
Dupuy, Hist. Du 12ème chasseurs, 1891, p. 18, 19. - Pajol, Les
guerres sous Louis XV, V, 366 et 367. - Funck-Brentano, Mandrin,
1908, p. 270 sq.
H. Duchêne-Marullaz.