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1
Dans le triste monastère
Ah je ne fais que languir.
Renfermée dedans le cloître
Je soupire jour et nuit.
Me voyant dans la retraite
Pour le reste de ma vie,
Ah cher amant si fidèle (bis)
Viens me retirer d'ici (bis).
2
C'est au travers d'une grille
Qu'il me faut finir mes jours.
Ah que le sort d'une fille
Est à plaindre dans ce jour,
Par une cruelle mère
Qui me tient dessous ses lois.
Elle me veut donner une voile (bis).
Hélas ce n'est pas mon choix (bis).
3
Etant dedans ma cellule
Je pense à mon cher amant.
N'est-ce point bien ridicule
A la fleur de mes beaux jours
De me voir si jeunette
Renfermée dans un couvent,
Dans un lieu aussi austère (bis) ?
Adieu donc mon cher amant (bis).
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4
Si quelquefois par adresse
Je pouvais sortir d'ici.
Mon esprit toujours (s') inquiète.
Je ne dors ni jour ni nuit.
Je ne vois plus de ressource.
Il me faut mourir ici.
C'est l'habit du monastère (bis),
Qui finira mon ennui (bis).
5
Jeunes filles de mon âge
Considérez mon tourment.
Me voilà dans l'esclavage,
Privée de mon cher amant.
Il me faut prendre la haire,
Ne penser qu'au célibat.
Il me faut quitter la gloire (bis),
Abandonner mon état (bis).
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Robe de bure, chemise de haire pour la discipline
De la série substantielle des chansons consacrées dans ce
manuscrit aux amantes contraintes au couvent contre leur gré, nous ne
répéterons pas les considérations développées pour la suivante (n°79).
Du présent texte soulignons plutôt le substantif HAIRE qui, par l'ancien
francique harya, désigne dans la première moitié du Xème siècle
un vêtement grossier constitué de poil. En français, la haire apparaît
d'abord comme une chemise grossière faite de crin, que l'on porte dans
un souci de mortification. Vers 1170 le mot s'est employé par extension
pour qualifier un tissu grossier qui n'a pas été soumis au foulage ; le
drap de haire est cité en 1723. Par extension haire a désigné
en ancien français "tourment, peine" (d'où l'adjectif haire malheureux)
et le pauvre hère, autrement orthographié, pour signifier un homme
misérable(1).

La versification claire des huitains enchaînant vers de
8 et 7 syllabes permet de proposer, faute du moindre air associé à quelque
copie, un qui servit comme vaudeville au XVIIIème siècle, une délicieuse
mélodie d'Albanèse sur laquelle on chanta Que ne suis-je la fougère
et Le déjeuner(2).
(1) A. Rey, Dictionnaire historique de
la langue française, Le Robert éd., Paris 1992, p. 938.
(2) Almanach des Muses, 1787, BHVP n° 3184, Clé du caveau
n° 490.

(suivante)
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