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82
MADELON NE VEUT QUE L'AMOUR
(air non identifié)


1

Dans un vallon sur un gazon
Qui termine, termine la plaine
J'entendis dire à Madelon
Assise au bord d'une fontaine :
Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis).

2

Ah Madelon qu'avez-vous donc
Qu'avez-vous, qu'avez-vous qui vous gêne ?
N'avez-vous pas un beau jupon,
Un bon tablier de futaine ?
Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis).

3

Voulez-vous ce joli ciseau,
Ce ciseau, le ruban et la gaine ?
Ou bien voulez-vous ce couteau
Dont le manche en est d'ébène ?
Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis).

4

Mais Madelon qu'avez-vous donc ?
Que voulez-vous, que voulez-vous pour étrenne ?(1) Voulez-vous cet or, ce bijou
Ou bien voulez-vous être reine ?
Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis).

5

Voulez-vous un joli mari
Un mari, un mari qui vous aime
Et que de vous il soit épris ?
Et que vous en soyez de même ?
Non, non ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis).

6

Vos peines vont bientôt finir
Madelon, Madelon je vous aime.
L'amour va bientôt nous unir,
Tous les deux à la même chaîne.
Oui, oui, c'est ainsi cela
Cela qui finirait ma peine (bis).

(1) Le vrai vers doit être : Que voulez-vous, voulez vous pour étrenne ?

Car sa vénalité n'est plus d'actualité

Manuscrit chanson 82, strophe 1.Madelon, diminutif de Madeleine, n'est pas prénom quelconque, mais s'inscrit dans le thème de la chanson parce que l'on se remémore la pécheresse repentante de l'Evangile. La locution faire la Madeleine (1223) ou l'emploi autonome de madeleine, sans majuscule, au sujet d'une courtisane (1576), et plus tard l'expression pleurer comme une madeleine (1883) illustrent dans le temps l'évolution du concept du personnage, sujet d'une tradition picturale parallèle, très forte à partir de la Renaissance. Notre chanson illustre donc un jalon sémantique de cette mutation puisque son héroïne y est mise en peine, presque à en pleurer comme dans son acception conventionnelle du XIXème siècle. Et elle n'est plus la vénale fille biblique : fi de la possession ou cadeau douteux d'un beau jupon, d'un tablier de futaine, d'un ciseau avec gaine et ruban, d'un couteau au manche d'ébène ou de quelques bijoux d'or ! Non, ce que Madelon désire n'est pas un bien mercantile, mais seulement celui qu'elle aime. Ce que rabâche le refrain, avec une feinte méprise sur la nature de la peine puisque l'amour - le vrai - est seul en cause.

Le genre de la chanson à refrain se développera davantage sous la Révolution ! Le refrain permet en effet, par son leitmotiv musical et textuel, de mettre en exergue une dénégation, une conclusion morale ou idéologique de l'histoire racontée, dans un couplet qui tend à se suffire à lui-même.

Ici répétitive et énumérative la chanson se résume à "Non ce n'est pas cela qui me peine", ce que formule le refrain. Mais la structure, le modèle et le thème de tout le morceau ont leur prototype avec une semblable chanson populaire donnée en 1703 par Christophe Ballard, dans brunettes et petits airs tendres. Cet autre exemple, titré le Bobo de la jeune fille, après avoir aussi énuméré tout ce qui peut la tenter surtout pour sa coquetterie vestimentaire, nous apprend pareillement, dans la dernière strophe, que ce qui chagrine cette personne nubile est de ne pas avoir d'amant ou de mari. A titre d'exemple mettons en parallèle deux fractions desdites chansons :

Ballard

Ma fille voulez-vous un jupon ?
Qui soit de laine ou de coton ?
Non, non , ma mère
Ce n'est point là ma maladie.

Berssous

Ah Madelon qu'avez-vous donc ?
Qu'avez-vous, qu'avez-vous qui vous gène ?
N'avez-vous pas un beau jupon,
Un bon tablier de futaine ?
Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine (bis)

On trouve, en patois de la Mayenne, une chanson très voisine de celle publiée par Christophe Ballard : son timbre est celui de Cadet Rousselle. Ce n'est pas un hasard puisque cette autre chanson énumérative égrène son refrain lancinant :

"Ah, ah, ah ! Mais vraiment
Cadet Rousselle est bon enfant

en deux vers totalisant 14 syllabes (6+8) ou notes, presque autant qu'en ont les deux derniers de notre chanson (en 7+8)

"Non, non, ce n'est pas cela
Cela qui me met en peine."

Les sixains des deux chansons les renvoient donc l'une à l'autre avec un timbre de refrain qui pourrait être même commun, mais sans nécessité absolue. Seule est à souligner l'analogie.


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Partition de Cadet Rousselle dans la Clef du Caveau, n°658 : les deux derniers tiers de notre chanson peuvent être portés par le même timbre. Et il suffirait d'une mesure en plus, en fin de première ligne musicale (croche plus noire) pour que toute la chanson puisse tenir sur la partition à peine allongée. Il existe différentes partitions régionales de Cadet Rousselle, assez diverses en longueur et variations de timbres (voir Chansons savoyardes, op. cité en Bib. Gén., p. 425-433.). L'adaptation desparoles du manuscrit Berssous sur le timbre du Bobo de la jeune fille est encore plus facile.

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