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1
Ah ! que la chasse est belle
Quand on a de l'amour,
Auprès de sa Sylvie
En lui faisant la cour.
Son amant auprès d'elle
Lui dit à haute voix :
Permettez moi(1) la belle
De chasser dans vos bois.
2
Lui répond la Sylvie :
Allez Monsieur, chassez
La demande est trop belle
Pour vous la refuser.
Allez, armez vos armes,
Faites le tour du bois.
Je vous promets la chasse
Partout dans mes endroits.
(1) NDLR : adjonction proposée d'une syllabe,
pour rétablir la métrique par rapport aux vers homologues des autres strophes.
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3
En parcourant la plaine,
En battant les buissons,
Vous pourrez prendre haleine
Là-bas dans ces vallons.
Il y a une fontaine
Du taillis alentour
Ce lui vaut la peine
Qu'on y fasse séjour.
4
Au retour de la chasse,
Dans mes appartements,
Je vous offre une place
De rafraîchissement.
Au lit comme à la table
Un chasseur vigoureux
Sera toujours aimable
Il répond à mes vœux.
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Avant l'aseptisation et l'embourgeoisement du XIXème
siècle
Une chanson structurée en huitains, qui enchaînent pour
chacun quatre paires de vers de 7+6 syllabes, peut être dotée de tout
timbre approprié à cette métrique. Parce que dans l'ignorance de l'air
ayant supporté le présent texte, nous proposons à la place la partition
de La belle meunière, donnée par Servettaz, l'ayant recueillie
à Habère-Lullin(1).
La raison en est aussi qu'il s'agit d'un même dialogue sur
une poursuite galante, où la " chasse " est amoureuse, et le gibier soit
Sylvie, soit la belle meunière. On ne peut en effet douter qu'il s'agisse
de deux variantes de rédaction puisque les vers présentent grande parenté,
sinon similitude, aux mêmes places dans deux strophes comparées, même
quand il n'y a pas identité complète entre d'autres.
Parce que plus courte en strophes la version Berssous présente
davantage de tournures troubles, équivoques, et d'allusions gaillardes
que la chanson collectée par Servettaz. Par rapport à la pastorale sur
le thème affleurant de la bergère consentante (Sylvie dans le texte du
XVIIIème), le libellé ultérieur n'est pas moins typique du XIXème siècle
: plus aseptisé, il figure l'intervenante en meunière c'est-à-dire en
prétendante cossue, dotée d'un patrimoine de bois, laconiquement puisqu'au
sens premier, comme si la métaphore équivoque n'avait pas été ou voulu
être dévoilée. Et à cette richesse la belle ajoute aussi l'inconstance.
Le drame bourgeois n'est pas loin !
Sur un timbre différent Barbillat et Touraine(2) ont trouvé
La chasse, une même chanson du Bas-Berry, avec un dernier couplet
à la métaphore encore plus érotique. Certes le chasseur use d'un fusil,
découvert en France vers 1630, et qui fut en service pendant près de deux
siècles, en étant fondé sur la combinaison du jeu d'une détente avec la
production d'étincelles tirées d'une pierre (silex) pour enflammer la
poudre. La lumière était cette ouverture percée dans l'arme et par laquelle
se communiquait le feu à la charge. Rien que de normal sauf, que la morphologie
et la dynamique de cette mise à feu s'entendent de manière différente
selon qu'il s'agit d'atteindre le lièvre, la caille… ou le gibier d'amour
!
Ci dessous : les partitions avec strophes de Servettaz
et Barbillat-Touraine et comparaison de quelques strophes des trois provenances.
Version Berssous
1
Ah ! que la chasse est belle
Quand on a de l'amour,
Auprès de sa Sylvie
En lui faisant la cour.
Son amant auprès d'elle
Lui dit à haute voix :
Permettez moi(1) la belle
De chasser dans vos bois.
2
Lui répond la Sylvie :
Allez Monsieur, chassez
La demande est trop belle
Pour vous la refuser.
Allez, armez vos armes,
Faites le tour du bois.
Je vous promets la chasse
Partout dans mes endroits.
(1) Ndlr : adjonction proposée d'une
syllabe, pour rétablir la métrique par rapport aux vers homologues
des autres strophes.
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Version Servettaz
4
Oh, que la chose est belle
Quand on est deux à deux ;
Et que l'on a sa belle
Assise à ses côtés.
On lui parle à l'oreille,
En lui disant tout bas :
"Me permets-tu, la belle
De chasser dans tes bois.
6
Oh, répondit la belle
Chassez, Monsieur, chassez ;
La demande est trop belle
Pour vous la refuser.
Allez, prenez vos armes,
Faites le tour de mes bois.
Je vous permets la chasse
Parmi tous les endroits.
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Version Barbillat-Touraine
1
Oh, que la chasse est belle
Quand il y a de l'amour
Auprès de sa maîtresse
Assis sur ses genoux !
En lui disant : Mignonne,
Mignonne, embrassez-moi,
Permettez-moi la chasse
Partout dans vos endroits !
2
Monsieur, répond la belle
Je ne sais refuser :
Mes terres, mes domaines,
Vous pouvez y chasser
Allons, prenez vos armes,
Faites le tour du bois
Je vous permets la chasse
Partout dans mes endroits.
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On remarquera la quasi identité entre les
versions Berssous et Barbillat-Touraine, mais la première strophe a bien
meilleures rimes dans le chansonnier savoyard. Par contre les versions
Berssous et Servettaz ont leurs strophes 2 et 6 semblables. Le plus grand
dénominateur commun aux trois versions appartient donc au texte du présent
recueil. Notre numérotation des strophes de Servettaz est aléatoire.
(1) Claude Servettaz, Chants et chansons
de Savoie, Paris-Annecy, 1910, Leroux-Abry éd., n°42.
(2) Chansons populaires dans le Bas-Berry, Gargaillou éd., Châteauroux,
1931, t.v., p. 97. Disque : Hommage à Barbillat et Touraine, CMD+
Berry, Lancosme Multimédia 1998.
(suivante)
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